La journée de la goujaterie féminine
Hier il m'est arrivé une chose qui ne s'était pas produite depuis longtemps.
Alors que j'étais tranquillement installée au soleil, pianotant sur mon téléphone, avant un rendez-vous, je me suis faite héler d'une voiture occupée par 4 joyeux lurons dont la moyenne d'âge ne devait pas dépasser la moitié du mien, m'affublant du désormais célèbre "vous êtes troooop charmante!", suivi de rires et d'autres phrases que le Dieu de la décence m'a permis de ne pas entendre.
S'en est suivi pour moi un moment d'intense réflexion, dont, vous le savez, je suis coutumière (ce qui est quand même vachement pratique pour trouver des trucs à écrire sur mon blog, merci mon cerveau d'être aussi torturé!).
Ma première réaction fut de l'étonnement.
Etait-ce bien moi, qui, la tête baissée vers mon téléphone, des lunettes de soleil me mangeant la moitié du visage, vêtue d'un jean et d'un tee-shirt pour le moins sexy, avait provoqué cette éructation testostéronique? Certes, une otarie habillée d'un sac à patates eut certainement été dotée du même potentiel érotique pour ces jeunes mâles suintant visiblement d'hormones par tous les pores de leur peau (on dit une pore, ou un porc pore?).
Pas de doute pourtant, en dehors de moi, la rue était déserte.
Je fus d'autant plus étonnée que ce genre de choses ne m'était pas arrivée depuis fort longtemps. Je ne sais pas si c'est le fait:
- de ne presque plus jamais me balader seule, affublée que je suis le plus souvent d'un grand guerrier qui ne ferait pas pâle figure au milieu d'une équipe de rugby (bien que totalement vierge de cette activité),
- de ne jamais tenter de m'habiller comme une fille, échaudée que j'ai pu être des regards lourds de sens, lorsqu'à 20 ans je ne sortais jamais sans ma jupe qui tourne,
- d'avoir des enfants, ce qui semble instantanément vous asseoir d'une certaine respectabilité (aussi bête que cela puisse paraitre),
- d'avoir pris 20 ans (presque que) dans les dents,
- de ne quasiment jamais prendre les transports en commun,
mais il me semble bien que je n'avais pas entendu cette phrase depuis quelque chose comme... une dizaine d'années.
Cela m'a fait repenser à un certain nombre de billets lus récemment sur des blogs, dont je n'ai malheureusement pas gardé les liens (certains étaient très bien écrits). Une jeune femme se plaignait en particulier des "frotteurs" dans les transports en communs. Une autre, à l'occasion de la journée de la jupe, proposait une sorte de journée où les femmes auraient le droit de se comporter comme des mecs. Sur le moment ça m'avait fait sourire.
Du coup je me suis imaginée ce que donnerait cette journée de la goujaterie féminine:
- se promener avec des copines (oui, parce que tout seul, ça ne se fait pas, vous avez remarqué?) et dès qu'un garçon nous semblerait à notre goût, le siffler, l'accoster devant tout le monde "hey beau blond!", "salut mec, sans déconner, t'es trop charmant!"
- lorsque le jeune garçon ne répondrait pas ou passerait son chemin, gêné, l'insulter copieusement: "salaud! allumeur!" -(tiens, c'est marrant comme ce n'est pas aussi fort au niveau du sens que "salope" ou "pute"... ).
- sans compter que ce jour-là on pourrait palper en toute impunité les postérieurs, voire les attributs masculins de ces messieurs dans les transports en commun.
Ce serait drôle non?!
Non, en fait, pas tant que ça. Pourquoi est-ce que nous prendrions au hasard quelques victimes pour faire payer la faute à tous ces imbéciles qui restent tout de même, je l'espère, une minorité (même si, concernant l'égalité des sexes, il y aurait encore bien à dire)? La solution est sans doute ailleurs. Mais ma réflexion s'arrête là.
Au fait, un détail: là où 20 ans avant j'entendais: "Mademoiselle, vous êtes charmante!", hier j'ai entendu: "Madame, vous êtes charmante!".
PS: sans rapport direct avec le sujet du billet, je profite de son illustration pour rendre un petit hommage à ce très beau film de François Truffaut: "L'homme qui aimait les femmes".