Apprivoiser la Bretagne
Loin de moi l'idée/l'envie, de caricaturer la Bretagne et ses habitants. Néanmoins, vivre dans une région à l'identité culturelle aussi forte, nécessite forcément quelques ajustements. 3 mois que nous vivons ici. 3 mois que nous nous adaptons, que nous nous apprivoisons mutuellement, la Bretagne et moi.
Concrètement, apprivoiser la Bretagne, c'est:
1) Faire face à une certaine déroute capillaire
Je ne vais pas vous mentir, le climat breton est loin de rappeler celui de Marseille. Du soleil oui, mais aussi du vent, et de temps en temps (rarement) de la pluie. Etant l'heureuse détentrice d'une tignasse fort bien pourvue, et de cheveux d'une espèce réagissant de façon hystérique à la moindre trace d'humidité en frisottant et en remontant, le résultat n'a pas tardé à se faire sentir. Me voici affublée d'une coiffure mi-raide mi frisée, d'un volume non sans rappeler les Jackson Five à leur grande époque, d'une frange qui s'enroule sur elle-même, échouant à me faire passer pour plus jeune que je ne suis (l'idée de départ de la frange, étant de dissimuler les premiers stigmates de quadra dévalant la pente de mon front). Soyons honnêtes: je ressemble à un mouton passé dans un rouleau pour laver les voitures; celui avec les grands poils bleus; en vitesse turbo.
2) Réapprendre le code de la route
Cet item-ci caricature plus les toulousains que les bretons. Car en effet, en bonne toulousaine que j'étais, je ne respectais le code la route qu'à moitié. Il est d'usage, à Toulouse, de laisser passer le plus grand/gonflé/fort. Pour exemple, une grande avenue entrecoupée de (minables) petites rues perpendiculaires est prioritaire. Même si aucun cédez le passage ne caractérise la (minable) petite rue en question. Donc, quand on roule sur cette grande avenue, c'est assez simple, on va tout droit sans s'arrêter. A l'inverse, quand on conduit sur la dite (minable) perpendiculaire, on a peur. On s'introduit donc sur l'avenue tout doucement en faisant bien attention, alors qu'on a priorité. Si, par erreur, une voiture vous laisse la priorité (bien méritée), on le remercie pendant 5 minutes: signe de la main, feux de détresse, signe dans le rétroviseur, coeur avec les mains, la totale!
Ici, rien de tout ça, on respecte le code de la route. Fatalement, j'ai failli avoir 18 accidents en allant tout droit, sans regarder, sur l'avenue qui me paraissait la plus grande (donc prioritaire). Ensuite, quand j'ai compris qu'il fallait vraiment pour de vrai laisser la priorité aux véhicules prioritaires arrivant à ma droite des rues pourtant minables de la ville (non sans avoir essuyé quelques furieux coups de klaxon et autres gestes que la décence m'interdit de reproduire ici), j'ai été très choquée de constater qu'on ne me remerciait même pas. Non mais quel manque d'éducation! Finalement je m'y suis faite. Certes, les "rapports automobiles" sont beaucoup plus froids, moins affectifs, mais au moins, on ne craint pas le malus à chaque coin de rue (sauf si on s'évertue à ne pas respecter le (vrai) code de la route bien entendu).
3) S'habituer aux noms bretons
Quand je parle de région à forte identitié culturelle, je ne rigole pas: plus de la moitié des élèves des classes de mes filles ont des prénoms typiquement bretons dont, pour certains, je ne soupçonnais même pas l'existence. Dans mon boulot, plutôt "en contact avec le public" comme l'on dit, cela me pose quelques soucis car j'ai tendance à inverser les noms et les prénoms; exemple (non contractuel) "-Mr Guévan? -Non, moi c'est Mr Thomas. Guévan Thomas". Bien sûr.
4) Prononcer comme il faut
Là aussi gros travail. Surtout que tous les bretons ne sont pas d'accord. Par exemple, nous sommes entrainés pendant des mois à prononcer correctement ce qui donne phonétiquement le mot: "goch'tial" (la chose sus-nommée correspondant à une sorte de brioche), tel qu'on le nomme sur la presqu'île de Rhuys. C'est donc non sans une certaine fierté que Papa Ours est allé demander un goch'tial dans une boulangerie du Finistère. Il en est ressorti dépité, avec un got'chial sous le bras... (un autre jour, il faudra qu'on parle sérieusement du kig ha farz....).
Je vous fais grâce des noms de villages prononcés différement selon que l'on se situe dans le Morbihan ou le Finistère, au nord ou au sud du Finistère, au nord-du sud-du nord-du Finistère MAIS avec une légère inclinaison de 40° vers l'est, etc...
Apprivoiser la Bretagne ne se fait pas en un jour comme vous pouvez le constater, et le chemin est encore long. Comme l'a dit un grand philosophe..., la route est droite, mais la pente est raide. Ou l'inverse. A moins que ce ne soit le contraire... Kenavo!