Déni de rentrée
Bien sûr, quelques jours avant, cartables, trousses, crayons et stylos, nous avions tout préparé et étiqueté.
Evidemment, à la tradition d'acheter une tenue neuve pour le jour J. nous n'avions pas dérogé.
Bien entendu, lundi matin, comme des milliers de familles, une photo d'elles, le cartable sur le dos, nous avions immortalisé.
Mais ensuite, j'avais décidé de tout faire pour leur faire oublier. Par chance, ne travaillant pas ce lundi, j'avais tout préparé. J'avais acheté tous les ingrédients nécessaires, et les avais informées:"vous ne mangerez pas à la cantine, je viens vous chercher!". A la sortie de l'école je me serais glissée, mon panier rempli et les affaires de plage dans le coffre de la voiture, heureuse de ma petite surprise inopinée. Nous aurions mis le cap sur la plage, dans la voiture elles m'auraient tout raconté. Nous nous serions installées sur le sable et nous aurions dévoré nos sandwichs en riant de ce temps, au retour du quotidien déjà volé. Puis elles auraient joué, seraient allées se tremper les pieds dans l'eau, peut-être se baigner. Nous aurions eu le temps: presque 2h avant la fin de la pause déjeuner. Vers 13h45 je les aurais prévenues que c'était l'heure d'y retourner. Elle se seraient essuyés les pieds et auraient remis leurs sandales, gardant quelques grains de sable collés sur les chevilles et entre les doigts de pieds, petits souvenirs de notre escapade, plus tard à contempler.
Je les aurais ramenées à l'école et leur aurais promis d'y retourner.
Le soir, nous en aurions encore et encore profité. Je n'aurais pas lu les mots dans les cahiers, je ne leur aurais pas demandé si elles avaient des devoirs, on aurait tout fait pour L'oublier.
Mais rien ne s'est passé comme je l'avais imaginé. Lundi matin, la pluie a raccompagné les écoliers. Plus de pique-nique, plus de plage, plus de liberté. Le soir, j'ai signé les mots, et rempli les papiers. Par son tourbillon, je me suis laissée happer.
J'ai raté mon déni de rentrée.