Je vous aime
Je t'aime.
Trois petits mots magiques.
Trois simples mots qui réchauffent les coeurs, donnent du courage, sous-entendent des promesses.
Trois mots pourtant que je peine à prononcer. Presque jamais spontanément. Toujours en réponse à un autre "je t'aime". Un "je t'aime aussi" pour rassurer. Un "je t'aime" un peu forcé, comme "ne t'inquiète pas, ne doute pas de mes sentiments, même si je ne le dis pas avec les mots". Trois mots qui sonnent dans ma bouche et dans ma tête comme une langue étrangère.
Du plus loin que je me souvienne, je ne me rappelle pas avoir souvent prononcé ces mots, les yeux dans les yeux. L'avoir écrit, oui, souvent. L'avoir eu sur le bout de la langue, aussi. Avoir pris des détours, énormément, des "ta maman qui t'aime", des petits coeurs, des smileys rougissants... Même à mon père, mourant, je n'ai pas réussi à le dire. "On t'aime", lui ai-je dit.
Je n'ai jamais douté de l'amour de mes parents. Jamais. J'ai toujours vu dans leurs actes, leurs yeux, leur façon de me parler, combien ils m'aimaient. Certes, nous n'étions pas une famille où l'on s'encensait de déclarations d'amour et de câlins. Mais je n'en avais pas besoin, j'étais aimée, je le savais. Je me souviens pourtant avoir aimé lire au bas des cartes que m'envoyaient mes grands-parents "ton papy/ta mamy qui t'aime très fort". J'aimais bien mais ça ne me bouleversait pas. Aujourd'hui, lorsque je relis ces mots, ça m'empoigne le ventre, ça me terrasse. Je me rends compte à quel point ces tout petits mots sont importants et ce qu'ils engagent pour celui qui les écrit. Sûrement parce que j'ai tellement de mal à les prononcer. Autant qu'à les entendre. Ne me demandez pas pourquoi, je n'ai aucune idée d'où me vient ce malaise, ce doit être psychanalytique, mais entendre quelqu'un me dire qu'il m'aime me paralyse. Comme si c'était trop fort pour moi. Trop d'émotion à gérer.
La question n'est pas là. Dans ce billet très (trop?) personnel, je tenais simplement à m'excuser pour mon absence de "je t'aime". Mes sentiments à moi ne passent pas par les mots mais par les actes, pas par le savoir-dire mais plutôt, je crois, par le savoir-être. Alors sachez, vous tous que j'aime (et vous êtes nombreux), que:
- si je cuisine pour vous, c'est que je vous aime
- si je prends de vos nouvelles, c'est parce que je vous aime
- si je couds pour vous, c'est que je vous aime
- si je préfère passer du temps, même trop court, que pas du tout, avec vous, c'est parce que je vous aime
- si je m'inquiète autant pour vous, c'est que je vous aime
- si je vous livre mes secrets, c'est parce que je vous aime
- si je vous parle de moi c'est que je vous aime
- si je vous demande de me parler de vous, c'est parce que je vous aime
- si je vous révèle mes failles, c'est que je vous aime
- si je m'emporte facilement, c'est parce que je vous aime
- si je respecte votre pudeur ou même si je ne la respecte pas, c'est que je vous aime
- si je ne vous dis pas que je vous aime, c'est peut être, justement, parce que je vous AIME.